Team building d'intégration, le cahier des charges

Une mauvaise ambiance de travail est susceptible d’éroder sérieusement l’attractivité d’une entreprise. La première impression compte pour le salarié : il souhaite se sentir accueilli, et bien accueilli. D’où la multiplication par les prestataires d’opérations spécifiques de team building d’intégration. Attention : la démarche doit entrer en cohérence avec les valeurs de l’entreprise, les objectifs de la direction, et les attentes des participants. D’où la nécessité de définir le cahier des charges en amont.

Selon le cabinet Meltis, “le sentiment d’appartenance à un groupe est un facteur clé pour faciliter l‘intégration d’un nouveau collaborateur”. D’où la nécessité pour l’entreprise d’accueillir convenablement les nouveaux collaborateurs. Ces derniers souhaitent se sentir attendus et interagir avec leurs collègues : les trois jours d’attente pour obtenir un poste de travail et un tour des bureaux hâtif ne sont plus de mise. La nouvelle recrue souhaite également comprendre les codes et les comportements attendus dans l’entreprise, et savoir rapidement quelles sont les personnes ressources de son parcours professionnel dans l’entreprise. Sans compter le besoin d’appartenance à la nouvelle structure qu’il est primordial de construire.

Les techniques de team building constituent un point d’entrée idéal pour satisfaire toutes ces attentes. Il ne s’agit pas seulement d’une volonté désintéressée de l’entreprise : un salarié mieux accueilli travaille plus efficacement. Par ailleurs, le team building d’intégration permet à l’entreprise de faire comprendre ses attentes de façon moins verticale qu’un simple discours d’introduction. L’employeur a ainsi besoin d’organiser un événement cohérent avec ses valeurs et les attentes des nouveaux salariés. Si les nouveaux arrivants sont nombreux, ils peuvent partir plusieurs jours. L’entreprise espère ainsi créer un “esprit de promotion”. Lorsque les arrivées sont sporadiques, l’intégration peut être plus intimiste, autour d’une activité commune de quelques heures. Bien organisés, ces échanges, hors du contexte strict du travail, sont l’occasion de découvrir et commencer à connaître ses nouveaux collègues, de partager, d’échanger et de créer les liens entre individus, et ce bien plus rapidement que dans la routine du quotidien.

Le team building d’intégration comporte ainsi plusieurs enjeux, en termes de cohésion d’équipe, d’esprit de corps, de transmission de valeurs et de construction d’un réseau. Il doit apporter une valeur ajoutée à chacun et prendre en compte chaque salarié dans son parcours. Pour cela, une nécessité : casser les repères en vigueur dans l’entreprise.

Réseautage et cohésion

Variable selon la taille de l’entreprise et la nature de la population intégrée, l’opération diffère également selon qu’il s’agit de nouvelles recrues ou de salariés provenant d’une entité récemment intégrée. Pour Stéphane Waller, dirigeant du cabinet de conseil Meltis, “même si l’intégration des nouveaux salariés a toujours représenté un enjeu important pour les groupes de grande taille, de plus en plus de PME en mesurent désormais l’importance”. D’autant que les hiérarchies traditionnellement verticales de l’entreprise ne sont plus monnaie courante. D’où son analyse : “les organigrammes sont de plus de plus horizontaux. Les entreprises ont saisi l’intérêt de travailler en mode projet. Chaque individu rencontre de nombreux collègues, qui dépendent de chefs différents. L’intégration est donc plus compliquée, dans la mesure où il est plus difficile de savoir qui fait quoi”.

Dans ce contexte, l’utilité du team building d’intégration est toute trouvée : elle permet aux salariés de constituer rapidement leur réseau interne. Ce que permet le partage d’une expérience avec d’autres salariés pendant deux ou trois jours. Une fois de retour à leur poste de travail, les participants connaissent les personnes ressources et se sentent moins isolés dans l’organisation.

Lorsque les entreprises recrutent des masses importantes, les nouveaux venus peuvent participer à un séminaire sur plusieurs jours, afin de développer un esprit de promotion. Durant cet événement, ils apprendront à se connaître et seront tous sensibilisés aux valeurs de l’entreprise : le niveau d’information sera donc le même pour tout le monde. Stéphane Waller juge la pratique courante : “à l’arrivée des collaborateurs, ils participent à un séminaire d’intégration. Ensuite, ils se réunissent tous les ans ou tous les deux ans. L’avantage : le même groupe connaît la même intégration et se revoit ensuite. Les membres peuvent échanger et partager des retours d’expérience”. Ces séminaires de promotion sont d’autant plus pertinents lorsque les salariés sont mobiles et qu’ils ne sont pas appelés à se revoir souvent.

L’intégration ne concerne pas seulement les nouveaux salariés d’une entreprise issus d’entités distinctes. La question se pose également en cas de rachat d’une structure : les nouveaux venus doivent être familiarisés avec leur nouvel employeur et ses valeurs. Ainsi, Sylvie Cavelier, créatrice de l’entreprise Coach & Cook, a proposé un cours de cuisine collectif à une entreprise qui venait d’en racheter une autre. Comme elle l’affirme, “en cas de rachat, les deux groupes de salariés sont appelés à travailler ensemble : les équipes doivent partir sur des bases saines”.
De même, de nombreuses entreprises créent des pôles d’innovation collaboratifs et tentent d’y intégrer des start-up. Le dialogue doit se constituer entre des entités qui n’étaient pas programmées pour s’entendre et se comprendre. De fait, la diversité des processus d’intégration commande une conception à la carte du team building.

La transmission des valeurs de l’entreprise

La règle d’or pour qui veut organiser un team building d’intégration : éviter les animations toutes faites, qui pourront certes constituer un bon moment pour les salariés, mais sans aucune transmission de contenu. Cette notion est pourtant au cœur d’un événement réussi. Éric Tordjman, directeur d’agence chez Delta Services Organisation, insiste sur la mise en cohérence du cahier des charges et de la réalité de l’entreprise : “nous traitons en général avec les responsables des ressources humaines, qui savent ce qu’ils veulent”. Il regrette cependant : “plus personne ne traite l’événementiel et la communication dans les entreprises. Ces opérations sont organisées par un assistant ou par une personne novice, qui choisira une activité inadaptée”. Il conclut : “une problématique mal dressée engendre un événement de team building raté”.

Quant à Stéphane Waller, il distingue deux niveaux de travail : celui sur les valeurs de l’entreprise, et celui sur le réseau de chaque participant. Le premier vise à rendre le message et les valeurs de l’entreprise cohérents avec l’événement. Chaque organisation définit en effet un certain nombre de valeurs sur lesquelles elle s’appuie, par exemple la notion de réussite. Ces concepts sont généralement déclinés en différents comportements. Lorsqu’un nouveau salarié participe à un séminaire ou une activité d’intégration, le but est de lui faire savoir quels sont les comportements attendus dans le groupe. La valeur réussite peut ainsi se traduire de diverses manières : par exemple l’émulation et la compétition, ou alors la collaboration du groupe. C’est au dirigeant de définir le comportement de réussite qu’il attend. Selon sa réponse, l’activité de team building sera différente. L’entreprise qui valorise le leadership par l’innovation souhaite que ses salariés proposent des solutions novatrices, quitte à accepter l’échec.

Par conséquent, une erreur ne devra pas être stigmatisante dans le cadre du jeu proposé durant le séminaire. Dans ce contexte, Meltis propose un jeu en équipes, dans lequel un système de rattrapage est institué pour valoriser l’équipe qui prend une mauvaise direction mais a tout de même osé emprunter un chemin original. En revanche, si cette même entreprise organisait une course vide de sens, durant laquelle chaque écart aux règles était sanctionné d’un coup de semonce, l’opération irait dans le sens contraire des attentes de l’entreprise et mécontenterait à la fois les salariés et le DRH. Autre hypothèse : l’entreprise souhaite que ses équipes communiquent au maximum et ne soient pas ensilotées. Aux commanditaires de l’activité de team building de composer les équipes en conséquence, et de favoriser la coopération entre des coéquipiers qui ne se rencontrent jamais en temps normal.

Katia Foret, responsable de la plateforme RH de Seine Ouest Entreprise et Emploi, qui accompagne les entreprises de moins de 20 salariés et les associations de moins de 50, a récemment animé un atelier dédié à la cohésion d’équipe, regroupant une dizaine de dirigeants de TPE issus du tertiaire : “je souhaitais montrer aux dirigeants d’entreprise qu’ils étaient pilotes de leur entreprise mais qu’ils n’étaient pas seuls, et j’ai choisi des cours de cuisine”. Deux groupes avaient un temps limité pour définir un repas de 3 à 4 recettes, se mettre d’accord sur le contenu du menu et la répartition des tâches, et gérer les imprévus. Selon elle, “ces dirigeants de PME ont compris qu’ils pouvaient travailler ensemble et aboutir à un résultat, sans se connaître”.
Afin de favoriser la cohésion de deux équipes résultant d’une fusion-acquisition, Éric Tordjman a proposé un “lipdub” (clip promotionnel).

Ainsi, les salariés ont reçu quelques cours de danse : “le lipdub a l’intérêt de fédérer et de délivrer un message. Les salariés peuvent par exemple porter des tee-shirts qui forment une phrase une fois alignés”, illustre-t-il. À chaque événement, à chaque équipe, à chaque problématique RH, son team building de circonstance.

Le souci du détail

Dans le cadre d’un événement de team building d’intégration, toutes les caractéristiques des salariés doivent être prises en compte. Pour construire l’événement, l’ancienneté de chaque collaborateur doit être prise en compte. En effet, une personne présente depuis six mois dans les murs n’est pas intéressée par une présentation du fonctionnement de l’entreprise, comme le sera un nouveau venu. La culture de leur service et de leur métier compte également : un commercial et un manager ne sont pas sensibles aux mêmes nécessités. Les centres d’intérêt des salariés doivent être sondés pour éviter les chausse-trappes, et les problèmes de logistique doivent être minimisés.

Car l’événement, même hors les murs, doit être attractif, sous peine de décevoir, voire de se heurter à un fort absentéisme. Lorsque les team buildings d’intégration sont sporadiques, comme c’est le cas par exemple dans une entreprise qui recrute peu et n’organise qu’une session par an, Stéphane Waller pointe la nécessité de minimiser le temps d’information sur l’entreprise. “Une solution envisageable est de scinder les participants en deux groupes, selon leur ancienneté, explique le dirigeant du cabinet de conseil Meltis. Une partie de l’événement consistera alors à fournir une présentation de l’entreprise aux derniers arrivés, pendant que les plus anciens prendront part à une activité.”

Autre solution collaborative : intégrer des personnes un peu plus anciennes dans des équipes de petits nouveaux. Ces derniers pourront questionner les personnes plus expérimentées… qui se sentiront ainsi valorisée.

Deuxième paramètre à prendre en compte : le métier des participants. “Mieux vaut constituer des groupes homogènes”, selon Stéphane Waller. Les commerciaux sont plus sensibles au challenge que d’autres populations, alors que pour d’autres métiers, la coopération est davantage valorisée. “Le débrief de l’activité est important. Pour les cadres, rompus aux opérations de brainstorming, l’oral est privilégié. Pour des groupes peu habitués à travailler ensemble, par exemple les dirigeants d’un grand groupe et des créateurs de start-up, on privilégie la formule post-it : l’écrit aide à verbaliser l’expérience”, affirme Sylvie Cavelier.

Pour séduire les futurs participants, l’événement doit bien évidemment être attractif a priori. Charles-Édouard de Cazalet, directeur de Sogedev, insiste sur la nécessité de se mettre dans la peau des équipes pour organiser des opérations de team building : “nous sondons les salariés pour savoir quels événements ils apprécient. En effet, ce facteur d’adhésion est très fort.

L’animation doit correspondre au maximum aux envies des collaborateurs, qui participent hors de leur temps de travail, sur leur temps personnel.” Ainsi, Charles-Édouard de Cazalet évite des critères rédhibitoires tels les animations en sous-sol (qui décourageraient les claustrophobes) et les lieux mal desservis par les transports en commun. Il opère un distinguo sexué : “les hommes préfèrent les événements sportifs, type karting, bowling ou ping-pong, là où les femmes privilégient les activités culturelles et culinaires”. Or, Sogedev est une entreprise (presque) paritaire en effectifs. Solution : “nous tentons d’organiser des événements qui ne soient pas connotés, dans un sens ou dans l’autre”, affirme-t-il.

Stéphane Waller souligne l’aspect primordial de la logistique : l’événement doit laisser un souvenir agréable, et doit avoir été organisé au mieux. “La gestion approximative de l’événement est une erreur. Les salariés attendent énormément d’un séminaire d’intégration.” Et de citer l’exemple d’un séminaire en montagne, organisé par Meltis : “Nous avions prévu lors de cette sortie en montagne des chaussettes et des bonnets pour tous les participants, l’oubli étant monnaie courante.” Et de conclure : “nous devons préparer le fond aussi bien que la forme. C’est la raison pour laquelle notre entreprise est dotée d’une équipe logistique”.

Enfin, l’interaction future des participants doit être prise en compte. Si les salariés sont amenés à travailler ensemble rapidement, la partie ludique est réduite, puisqu’ils se reverront rapidement. Dans le cas contraire, elle est plus longue. Sylvie Cavelier souligne l’importance du mélange des collaborateurs, et insiste sur le fait que la hiérarchie et l’ordre établi doivent être rompus. De la sorte, la parole sera libérée. Dénonçant les blocages consécutifs aux relations hiérarchiques mal appréhendées, elle casse les codes au cours des ateliers. : “dès la première phase de l’atelier, dédiée à la découverte d’autrui, nous accentuons la partie lâcher-prise, afin que les salariés fassent connaissance et échangent. Pour ce faire, nous invitons par exemple un groupe à mimer une expression culinaire tirée au sort”. L’habit peut aider : dans des ateliers culinaires, rien ne distingue un tablier d’un autre tablier.

De même, Michaela Merk, directrice générale de Merk Vision et Partners et professeur associé à l’Université de Paris Dauphine, retient un moment de son expérience dans le secteur du luxe : “lorsque j’organisais des formations, je portais le même uniforme que les vendeurs. Les équipes n’avaient plus peur de s’exprimer en face de moi”.