RUNNING : LES DRH L'UTILISENT POUR SOUDER LEURS TROUPES

Dans la panoplie des outils de remotivation d'équipe, le running a la cote en entreprise. C'est pas cher et riche en testostérone.

 

A la cantine d'Humanis, ils sont faciles à repérer. Quand la date de la prochaine course approche, leurs plateaux sont toujours garnis du même menu : des plâtrées de pâtes ou de riz, pour l'apport en protéines... Humanis n'est pas seulement le troisième groupe de protection sociale en France, avec 6.400 salariés et 2,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires. C'est aussi un nid de fondus de course à pied. L'an dernier, la maison recensait 256 pratiquants réguliers, dont un fort contingent au siège de Malakoff, en région parisienne. «C'est simple, on a gagné tous les challenges d'entreprises de la commune», fanfaronne Karim Natouri, le directeur de la communication en charge de cette activité intégrée à la vie de l'entreprise.

La vogue du running ? Une bénédiction pour les directions des ressources humaines. A moindres frais, elle leur permet de rassembler des salariés de tous horizons unis par une même passion et de cimenter des équipes. «C'est l'une des activités qui se développent le plus», confirme Frédéric Delannoy, directeur technique national à la Fédération française du sport d'entreprise. Créé en 2003, cet organisme compte 30.000 licenciés sur les 2,5 millions de salariés qui, via leur société, pratiquent une activité sportive régulière. Leur nombre ne cesse de croître, avec le soutien des employeurs.

Car non seulement le sport est bon pour l'esprit d'équipe, mais il l'est aussi pour les finances, ce que les directions ont fini par intégrer. «Un salarié physiquement actif a un taux d'abstentéisme inférieur à 2% sur l'année et il est 12% plus productif qu'un collègue sédentaire», souligne Thierry Lardinoit, directeur de l'Observatoire de la consommation sportive de l'Essec.

Ancien responsable au département RH de Renault, puis de Danone, et consultant auprès du staff de l'équipe de France de football pendant dix ans, Jean-Pierre Doly, patron du cabinet de conseil Doly & Partners, a été témoin de cette prise de conscience. «Le sport est désormais considéré comme un outil d'amélioration de la performance économique», explique ce coach un temps considéré comme le gourou de Raymond Domenech, l'ex-sélectionneur des Bleus.

Pour une illustration du phénomène, retour en petites foulées chez Humanis, le groupe de protection sociale. Il est le fruit de la fusion en 2012 de trois sociétés, où existait une minorité agissante d'accros à la course. Pour rapprocher les cultures, la nouvelle direction a donc naturellement appuyé le développement de ce sport auprès des salariés. En région parisienne, des sorties collectives d'une heure à une heure trente sont organisées deux ou trois fois par semaine, à la pause déjeuner, sur les différents sites du groupe. Tous sont équipés de vestiaires et de douches, comme de vrais clubs. En 2015, les coureurs d'Humanis ont ainsi prévu de participer à une dizaine de courses, dont l'entreprise est d'ailleurs souvent partenaire.

 

Au lieu de se contenter de sponsoriser des équipes de rugby ou de basket, comme c'était le cas dans le passé, elle a en effet décidé d'investir dans le sport santé et le bien-être. «En tant qu'assureur santé, il y a une certaine logique à cette démarche. Nous ne visons pas la seule notoriété, il s'agit aussi de faire passer des valeurs», souligne le directeur de la communication Karim Natouri. Et ce n'est pas du bluff : pour chaque kilomètre parcouru par l'un de ses collaborateurs lors d'une course, le groupe verse 1 euro à une association caritative. En 2013, la cagnotte a atteint 16.000 euros. Son montant se chiffrait à 20.000 euros à la fin de l'an dernier.

L'engouement des salariés et de leurs employeurs pour le running est une bonne nouvelle pour les sociétés spécialisées dans l'organisation d'événements sportifs. Prenez Amaury Sport Organisation (ASO), artisan des marathons de Paris, Lyon, Marseille et des 10 km L'Equipe. Cette année, ASO lance une nouvelle course au nom évocateur : Run at Work, une épreuve de 6 kilomètres réservée aux entreprises, de la start-up à la société du CAC 40.

Elle aura lieu en mai prochain, au pied des tours de la Défense. Et pas besoin d'être une bête de course. «La distance est accessible à tous, le chrono non obligatoire et l'épreuve se déroulera en semaine, en début de soirée pour ne pas perturber les heures de bureau», commente Camille Bacot, chef de projet chez ASO. Le coût du dossard aux couleurs de la boîte, 49 euros par personne, est pris en charge par l'entreprise qui, avant la course, reçoit une «run at work box» avec affiches et autocollants pour lancer son opération de communication interne. Sur demande, elle a même droit à un coach qui proposera deux séances d'entraînement par semaine pour préparer les coureurs.

 

Autre nouveauté : B2Run, une marque du géant suisse du marketing sportif Infront. Même cible, même organisation, même distance, sauf que la course démarre à proximité d'un grand stade (Nice, Paris, Saint-Denis...) et se termine à l'intérieur de l'enceinte. «On y entre en courant par les coursives, pour se retrouver sur la pelouse avec tout autour les tribunes vides», décrit David Donnelly, directeur du développement d'Infront en France.

Là aussi, les entreprises ont droit à un programme à la carte : site Internet personnalisé pour suivre l'événement, tentes sur la pelouse, service de coaching. Nettement plus sage que le Mud day, une autre course inaugurée il y a deux ans par ASO et très prisée des managers en quête de team building. Le concept ? Des équipes se lancent pour 13 kilomètres de cross dans la nature, avec franchissement de 22 obstacles et bain de boue assuré (d'où le nom «mud»). «A l'arrivée, beaucoup ont la banane», assure Pascal Quatrehomme, le directeur de la course. On les comprend : ce n'est pas tous les jours que l'on peut voir son boss se vautrer dans la gadoue.

 

Chez Humanis, un effet déstressant

Dans cet organisme de retraite complémentaire et de prévoyance, les salariés se retrouvent entre midi et deux pour s'entraîner. L'intérêt : déstresser, mais aussi faire dialoguer les services, briser la glace entre collègues un peu fâchés, renforcer l'esprit d'entreprise. Cette année, les «runners» d'Humanis participeront à une dizaine d'épreuves que le groupe sponsorise, marathon-relais à Lille ou Run at Work, une course sur mesure.

 

Un outil de team building en hausse

2,5 millions d'employés pratiquent un sport dans le cadre de leur entreprise.